Massacre de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher

La démocratie à l'épreuve
2 min ⋅ 06/02/2025

Il y a dix ans, le massacre de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher obligeait à tenir bon sur deux fronts:

d'un côté, ne rien céder au fanatisme islamiste et défendre les droits de la vie en même temps que de la liberté de tourner en dérision les pouvoirs d'oppression, en dénonçant les discours qui prétendaient rendre les dessinateurs satiriques coupables de ce qui leur était arrivé (au titre d'une culpabilité de provocation, argument dont il est stupéfiant qu'il ait eu un tel succès à gauche alors que c'est un argument typiquement réactionnaire);

de l'autre, repousser les vertiges islamophobes qui voulaient faire de l'islamisme un prétexte pour imposer à nos concitoyens musulmans un régime de suspicion permanente et de discrimination, avec obligation de faire quotidiennement la preuve de son « non-islamisme ».

Aujourd'hui, la politique à la fois meurtrière et suicidaire du gouvernement israélien, qui mène une guerre criminelle et inhumaine qui n'a aucun autre but visible que sa propre perpétuation, et — comme le prouvent les exactions coloniales commises en Cisjordanie, contre des civils à qui ces exactions démontrent qu'ils sont exposés à toutes les cruautés alors même qu'on ne peut rien leur reprocher — aucun autre horizon perceptible que le fantasme d'un nettoyage ethnique qui ferait disparaître, non les individus, mais le peuple palestinien en tant que peuple, nous sommes obligés de tenir bon sur deux fronts:

d'un côté, combattre pour mettre fin à la folie israélienne (et faire comparaître les coupables devant la justice internationale) et imposer l'existence d'un Etat palestinien (sans pour autant oublier que l'axe Hamas-Hezbollah-Téhéran-Moscou, qui vient de perdre sa cheville assadiste, est un axe encore plus criminel et sanglant que la droite au pouvoir en Israël, et porteur d'un projet de terreur qui va au-delà du nationalisme dont Netanyahou et ses alliés messianiques-suprémacistes réalisent tout le potentiel de violence);

de l'autre côté, repousser les vertiges antisémites qui sont en train de ravager la gauche et se structurent d'ailleurs sur les mêmes matrices que l'islamophobie de droite: au lieu de la défense du principe d'une coexistence égalitaire, mise en accusation d'une essence éternellement génocidaire du « sionisme » (miroir de la thèse selon laquelle Daesh serait la réalisation authentique de l'islam, accusé d'être fondé sur la thèse selon laquelle les non-musulmans n'ont pas droit à la vie s'ils ne sont pas monothéistes, et n'ont droit qu'à la dhimmitude s'ils sont juifs ou chrétiens); installation d'un régime de suspicion permanent à l'égard des Juifs, sommés quotidiennement de faire la preuve de leur « non-communautarisme » et de leur capacité à renier l'idée même qu'ils pourraient avoir droit à un Etat et avoir une autre existence politique que celle d'une minorité tolérée par les nations à condition qu'elle rase les murs.

La démocratie à l'épreuve

Par Jean-Yves Pranchère

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